Après plusieurs rebondissements dont une motion de censure déposée par La France Insoumise, le Parlement a finalement adopté jeudi 6 Février le budget de l’Etat pour 2025. La culture perd deux tiers de l’enveloppe qui lui était initialement accordée. Face à ce constat, de nombreux festivals de cinéma, dont le “7ème Lune”, redoute l’année à venir.
Ce petit festival de cinéma situé à Montreuil subit de plein fouet les nouvelles restrictions budgétaires. Alice Piton, co-organisatrice du festival depuis 4 ans, affiche sa colère face à des mesures culturelles et économiques injustes. “7ème Lune” ne fonctionne que grâce à une équipe de bénévoles puisque chaque année, les demandes de subventions sont de plus en plus dures à décrocher.
Des politiques culturelles et économique inéquitables
En effet, l’attribution des subventions publiques, tant au niveau national que régional, favorise largement les grands festivals de catégorie 1, comme Cannes, Deauville ou encore Annecy. Ils reçoivent des financements considérables de la part du CNC ou des collectivités locales. Pendant ce temps, les festivals de plus petite envergure peinent à obtenir des aides. “7ème Lune” a contacté le CNC pour savoir comment intégrer cette fameuse catégorie 1, mais cette liste n’a pas bougé depuis 35 ans. D’après Alice, le CNC l’a dit lui même : “Si on commence à tirer sur ce fil là, on découd tout le tapis”. Certains gros festivals ne font même pas partie de cette liste, alors que d’autres, désormais peu connus, y sont toujours et profitent ainsi de fonds d’aides énormes. Le CNC continue donc à mettre la poussière sous le tapis pour ne pas avoir à se poser la question des festivals qui méritent ou non d’être en catégorie 1.
Des subventions refusées pour “7ème Lune”
Le festival “7ème Lune” se déroule au sein du cinéma Le Méliès, à Montreuil. L’association échange régulièrement avec la DRAC¹, afin d’obtenir des fonds, mais cette dernière se cache derrière l’argumentaire d’une offre trop grande de festivals en Île de France pour ne pas leur octroyer de subventions. Mais pour Alice “ Si il y a autant d’offres culturelles c’est aussi parce qu’il y a un public qui l’attend. Coupez les subventions revient à les couper de cette ouverture culturelle”. De son côté, la région Ile-de-France refuse de subventionner le festival, puisque la DRAC ne le fait pas. En bref, c’est un véritable “cercle vicieux”.
Au niveau des subventions départementales “Est ensemble” considère qu’ils n’ont pas à financer le festival puisque le font “déjà” à travers Le Méliès. En effet, c’est eux qui paient les projectionnistes de ce cinéma, également présent lors du festival. Pendant, longtemps la municipalité a dit la même chose. Cette année, ils ont tout de même accepté de leur donner une toute petite enveloppe dont la somme est dérisoire.
Au niveau des subventions départementales “Est ensemble” considère qu’ils n’ont pas à financer le festival puisque le font “déjà” à travers Le Méliès. En effet, c’est eux qui paient les projectionnistes de ce cinéma, également présent lors du festival. Pendant, longtemps la municipalité a dit la même chose. Cette année, ils ont tout de même accepté de leur donner une toute petite enveloppe dont la somme est dérisoire.
Le recours aux services civiques : une solution contrainte
Faute de moyens pour salarier des professionnels de la culture, de nombreux festivals se tournent vers les services civiques pour assurer leur fonctionnement. Mais c’est sans compter sur le gouvernement qui a annoncé qu’à partir du 1er Février 2025, tous les contrats en services civiques seront suspendus. La précarité de ces festivals est dès lors renforcée, notamment en région Pays de la Loire. Alice me confie alors, que ces collègues du festival “Premier Plan” ou encore du “F3C” se posent la question d’embaucher des stagiaires de 6 mois pour tenir le coup : “C’est vraiment devenu une question d’aujourd’hui.” Pour rappel, Christelle Morancais, présidente de la région Pays de la Loire a réduit de 73% les moyens alloués à la culture dans sa région. Les stages deviennent alors un palliatif à un manque de financement chronique, bien que les organisateurs aimeraient embaucher et payer correctement leurs employés.
Travailler dans les festivals de cinéma c’est faire face à la précarité de l’emploi
Alice et toute l’équipe de “7ème Lune” travaillent bénévolement pour ce festival. Il n’y a aucun employé. Mais si elle peut se permettre de consacrer autant de temps à ce projet c’est parce qu’elle est, à côté, intermittente du spectacle. Son statut lui permet donc d’offrir son temps à une cause qui lui tient à cœur. Néanmoins, pour les salariés employés en festival de cinéma les contrats frôlent avec la précarité : auto-entrepreneur, CCDU… Ces contrats ne permettent pas de toucher le chômage entre deux périodes de travail. Lorsque l’on travaille pour un festival de cinéma, cela ne dure pas toute l’année. On peut être amené à travailler 1 à 6 mois, ou quelquefois 2 à 3 semaines. Bien que la nature de leur emploi soit intermittente, ils ne bénéficient pas pour autant du régime intermittent du spectacle.
Lutter avec le collectif : “Sous les écrans la dèche”
Pour lutter contre cette inégalité dans le monde du cinéma, Alice a donc rejoint le collectif “Sous les écrans la dèche” en Septembre dernier. Leur revendication est simple : que les travailleurs en festivals de cinéma soient reliés au régime intermittent. Après une opération coup de poing lors du dernier festival de Cannes, le collectif a aujourd’hui presque gagné la bataille. En effet, le ministère de la Culture et du Travail leur ont proposé un accompagnement afin de structurer une nouvelle convention collective dans les mois à venir. Cette convention pourrait permettre, à terme, d’intégrer à l’intermittence « certains métiers de techniciens des festivals de cinéma ». À priori, elle devrait entrer en vigueur le 1er Avril prochain.
1- DRAC : Direction Régionale des Affaires Culturelles, c’est le relais du ministère de la culture à l’échelle régionale.
Gwennan LE MOIGNE
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