Auteur/autrice : GwennanLM

  • La domination chinoise sur les terres rares : un défi pour l’innovation européenne.

    L’interdiction des exportations de terres rares par la Chine aux Etats-Unis a résonné comme un signal d’alarme en Europe. Cela l’oblige à réfléchir à des alternatives aux terres rares.

    Extraction de métaux rares sur une exploitation Chinoise – Shutterstock

    La monopolisation des terres rares par la Chine

    En 2021, la Commission européenne avait déclaré que 98 % des terres rares utilisées dans l’Union Européenne étaient importées de Chine. Les terres rares ou “métaux rares” sont présentes dans toutes les technologies modernes : batteries, écrans, éoliennes, missiles. En bref, il est impossible d’imaginer le monde de demain sans elles. La Chine est le premier producteur de terres rares au monde en détenant 80% du marché mondial. En effet, sur son territoire il y a une concentration de ces métaux rares, qui permette la rentabilité des mines déjà ouvertes, contrairement à d’autres pays comme les Etats-Unis qui détiennent également ces métaux rares mais de façon moins concentrée. L’ouverture de mines hors du territoire Chinois est donc moins rentable puisque cela présente des coûts de productions et d’extractions importants. L’Europe et presque tous les pays du monde sont donc dépendants de la Chine. 

    Le 3 Décembre dernier, la Chine a d’ailleurs annoncé l’interdiction d’exportation de ces métaux rares vers les Etats-Unis. Une réponse directe aux déclarations de Donald Trump qui prévoit l’augmentation des frais douaniers pour tous les produits en provenance de Chine. 

    Des alternatives Européennes

    Pour lutter contre le monopole Chinois des terres rares, l’Europe cherche quant à elle à produire des technologies sans ces métaux rares. Dominique Viel, présidente du groupe d’experts sur les ressources minérales de la transition bas carbone, préconise le passage aux technologies de supraconduction. Elle donne pour exemple l’utilisation de cette technologie pour la construction d’éoliennes marines, ce qui réduirait voire supprimerait la dépendance aux terres rares. 

    En 2018, l’entreprise française Jeumont Electric, investit avec huit partenaires européens, dans la première machine utilisant la supraconductivité dans les génératrices de turbines éoliennes, pour être testée avant d’être exploitée sur une éolienne au Danemark.

    D’autres solutions existent pour sortir de cette dépendance chinoise : recyclage des métaux rares, notamment des aimants permanents et pourquoi pas l’investissement d’exploitations minières de terres rares dans l’Arctique européen. Ces stratégies permettraient de retrouver une part de souveraineté si elles étaient toutes les trois menées à leur terme, et pas seulement l’une ou l’autre. 

    Vers un monde sans terres rares ? 

    Guillaume Pitron, journaliste français, spécialiste de la géopolitique des matières premières à enquêté pendant près de 6 ans sur l’exploitation des métaux rares. Ces recherches démontrent l’impasse dans laquelle s’engouffrent les politiques de la transition énergétique. 

    En effet les accords de la Cop21 incitaient à développer les « énergies vertes » afin de lutter contre le réchauffement climatique. Cette orientation, qui semble parfaitement sensée au premier abord : les panneaux photovoltaïques ou les véhicules électriques n’émettent pas de C02 lorsqu’ils sont en fonctionnement, fait l’impasse sur le coût environnemental de leur production. Que ce soit en termes de pollution des sols, de l’eau et des rejets des gaz à effet de serre des engins extracteurs, la production des énergies dites « vertes », avec ses mines de terres rares, est pire que celle du pétrole. 

    La dépendance des pays importateurs envers les métaux rares avec la Chine est en réalité beaucoup plus importante que celle du pétrole avec l’OPEP*. Mais alors, comment espérer basculer le monde vers le tout numérique et les énergies dites « renouvelables » dans ces conditions ? Guillaume Pitron ne croit pas que cela soit possible, puisque pour lui, la limite commence déjà à être atteinte. La seule solution est un changement dans le modèle économique, ce que le journaliste résume par la phrase suivante : « Si nous n’allons pas vers une consommation sobre, nous continuerons indéfiniment de déplacer le problème« . 

    *Organisation des pays exportateurs de pétrole

    Gwennan LE MOIGNE

  • Riposte Européenne des droits de douane : pourquoi le bourbon ne sera pas surtaxé ? 

    En réponse à l’augmentation des droits de douanes États-Uniens sur l’acier et l’aluminium, l’Union Européenne a répondu en énumérant une liste de produits qui seront taxés à hauteur de 25%. Ces augmentations qui entreront en vigueur le 15 Avril prochain regroupent des produits comme le soja, le maïs, ou encore le jus de fruits. Mais dans cette liste, le bourbon, un whiskey Américain, fait office de grand absent. 

    Protéger le marché viticole Français et Italiens

    Mardi 8 avril, la commission européenne a retiré le bourbon de sa liste des produits surtaxés à la suite des propos du président américain Donald Trump, publié sur X : “Si cette taxe n’est pas supprimée immédiatement, les États-Unis imposeront sous peu une taxe de 200% sur tous les vins, champagnes et produits alcoolisés en provenance de France et d’autres pays représentés dans l’UE.” Ainsi, la France et l’Italie ont fait pression sur la comission pour préserver leur marché viticole. Et pour cause, la France figure parmi les plus grands exportateurs de vin vers les États-Unis. En effet, en 2024, les exportations de vins français vers les États-Unis ont atteint 2,3 milliards d’euros, selon la fédération des exportateurs de vins et de spiritueux de France.

    “Cela sera idéal pour les entreprises de vin et de champagne aux États-Unis.” rétorque Donald Trump. Là où les Etats-Unis ont frappé en une fois, l’Union Européenne, échelonne sa riposte. Les nouveaux droits de douanes entreront en vigueur le 15 avril, puis une deuxième échéance, plus conséquente, interviendra le 16 Mai, respectant ainsi les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Cette dernière impose un délai de consultation, ce que l’administration Trump n’a pas respecté.

    Une mésentente des pays de l’Union Européenne serait profitable aux États-Unis 

    La Hongrie, proche de l’idéologie trumpiste, annonce qu’elle ne votera pas mercredi, pour cette première liste. Les vingt-sept sont pourtant censés répondre aux États-Unis de façon unanime au travers de la commission européenne. L’Italie de Giorgia Meloni, quant à elle, prévoit de se rendre à Washington le 16 Avril prochain pour des négociations individuelles avec la Maison Blanche. Un déplacement que condamne Marc Ferracci, Ministre de l’Industrie et de l’Énergie en France   : « Les accords bilatéraux sont précisément ce que cherche l’administration américaine, c’est-à-dire diviser les Européens. » Avant d’avertir : « Si la France se met à négocier de manière bilatérale avec les Etats-Unis, (…) nous allons sortir perdants ».  Une pensée soutenue par Jean-Pierre Raffarin, : “Plus on sera faibles, plus on sera tapés”.

    Gwennan LE MOIGNE

  • REPORTAGE : Pesticides, climat, et traditions : le combat des agriculteurs pour un avenir durable 

    Samedi 5 Avril, à Paris, plus de 2500 manifestants se sont rassemblés place d’Italie. Ils ont appelé au boycott de la loi Duplomb, ré-autorisant l’utilisation d’insecticides, à l’occasion de la journée mondiale de la santé le 7 Avril.

    Manifestant, 5 Avril 2025, Paris 

    Le soleil brille sur la place d’Italie à Paris, mais l’ambiance est loin d’être estivale. Une foule de manifestants, pancartes en mains, expriment leur colère face à une politique gouvernementale qu’ils jugent catastrophique pour l’environnement. Agriculteurs, scientifiques, médecins ou ONG leurs objectif est simple : stopper la volonté du gouvernement à réintroduire des pesticides menaçant la biodiversité. Parmi eux, Stéphen Kerckhove, directeur général de l’association “Agir pour l’Environnement”, dont le message est clair : « Nous devons sortir le gouvernement de sa léthargie écologique. » 

    Pourquoi manifester aujourd’hui ? 

    « Pour faire du bruit », lance-t-il avec fermeté. Stephen déplore : « Cela fait des mois que l’exécutif multiplie les reculs écologiques, particulièrement en matière agricole ». Parmi ces régressions, on retrouve la loi Duplomb, initiée par le Sénateur Républicain du même nom. Cette dernière permettrait de ré-autoriser l’épandage de pesticides tueurs d’abeilles appelés les néonicotinoïdes. En effet, en 2018, ces insecticides avaient été interdits car jugés particulièrement toxiques pour les insectes pollinisateurs, pourtant essentiels au maintien de la biodiversité. 

    En plus, d’une menace sur le vivant cette loi permettrait un épandage  de ces substances à l’aide de drônes, une aberration technologique pour Stephen. « Si cette loi est adoptée, cela signifierait la réintroduction des pesticides tueurs d’abeilles », avertit-il pancarte en main, représentant une abeille le point levé. Une lutte essentielle lorsque l’on sait qu’en Chine plus de 80% des abeilles ont disparu, l’obligeant à polliniser ses plantes à la main. Selon Stephen, il est donc probable que l’Europe, si cette loi est acceptée, sera la prochaine victime de cette extinction de masse.

    Une politique agricole en défaveur des petits paysans

    Pour lui, il ne s’agit pas seulement de la santé de la planète, mais aussi de la survie des petits agriculteurs, prisonniers d’un système qui les pousse à dépendre des pesticides. « Il faut un plan Marshall pour l’agriculture, pour que les paysans puissent se réorienter vers des pratiques durables sans risquer leur survie économique.” Mais c’est sans compter sur le premier ministre actuel, François Bayrou, qui soutient des décisions favorables à l’industrie chimique et à l’agriculture productiviste. 

    Stephen dénonce notamment le transfert de la gestion des autorisations de pesticides. Depuis peu, ce n’est plus l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, garante de la santé publique, qui gère les autorisations de pesticides sur le territoire Français, mais le Ministre de l’agriculture. Un ministère largement influencé par la FNSEA*, le principal syndicat agricole français. Ce dernier est connu pour favoriser largement les grands exploitants agricoles au détriment des paysans les plus précaires. 

    Toujours entourés d’une foule scandant “Pas de nature, pas de futur”, Stephen me confie le choix de ce militantisme, qui va au-delà des préoccupations environnementales : 

    Un militantisme né d’une histoire personnelle 

    “ Mon beau-père vivait à Morgon, en plein cœur du Beaujolais, entouré de vignes traitées massivement. Il est décédé d’un cancer. Pendant des années, nous nous sommes demandé si l’exposition constante aux pesticides avait joué un rôle dans sa maladie”.  La santé des agriculteurs et habitants de ces zones rurales est donc une priorité pour cet activiste.

    Manifestants pour “Un printemps bruyant”, 5 Avril 2025, Paris 

    Le cortège se poursuit entre les pas déterminés des manifestants et les couleurs vives des drapeaux. Parmis eux, flotte le verdoyant drapeau d’extinction rebellion, entrecoupé par le jaune vif de celui de la confédaration paysanne. Sous ce soleil ardent, casquettes et chevelures argentées se mélangent. Une diversité générationnelle qui me permet de rencontrer Youena, 32 ans, future viticultrice en Bretagne.  

    Le changement climatique pousse au déménagement des cultures 

    Youena partage son enthousiasme quant à son nouveau projet de vie : “ Au départ, j’ai fait une formation en maraîchage biologique, mais j’ai été attirée par la vigne. Le travail est saisonnier comme on est sur de la monoculture. Le maraîchage c’est techniquement très dur et il n’y a pas de basse saison…”. 

    Connue pour ses élevages de porcs ou ses cultures céréalières, la Bretagne semble être la nouvelle terre propice au développement des vignes. Pour cette jeune viticultrice, qui incarne l’espoir d’une agriculture qui se réinvente, le changement climatique remodèle le paysage agricole Français : “Les cultures du Sud sont petit à petit en train de remonter vers le Nord de la France, tandis que celles du Nord se déplacent encore plus haut. C’est encourageant de me dire qu’au lieu de lutter contre un climat qui ne convient plus à certaines cultures, nous choisissons de nous adapter. »

    Le choix du cépage hybrides : une alternative à l’utilisation des pesticides

    « Une vigne ça tombe malade très vite », explique Youena. Certes l’utilisation des pesticides pourrait permettre de lutter contre ces maladies mais c’est impensable pour cette Bretonne, qui préfère le choix d’un cépage dit “hybride”. Ce sont des variétés conçues pour être plus résistantes aux maladies. 

    Parmi les cépages qu’elle a choisis, on retrouve le Rayon d’Or et le Souvigné Gris, particulièrement résistants au mildiou et à l’oïdium, les deux principales maladies qui frappent les cultures bretonnes. C’est toujours avec optimisme que Youena explique : “Je préfère partir sur des cépages qui ont été sélectionnés sur leur résistance plus que sur leurs vertus aromatiques. Les goûts changent, évoluent. Le cuivre, lui, ne disparaîtra jamais du sol.”

    En effet, la saison dernière a été catastrophique pour les vignerons victimes du dérèglement climatique. Nombre d’entre eux ont usé de pesticides afin de maintenir leurs maigres récoltes, dont le cuivre, un métal lourd nuisible à la santé des sols. « Le cuivre reste dans le sol, il ne part jamais, et l’année dernière, j’ai vu des vignes ravagées par ce traitement pour pratiquement aucun fruit. On pollue nos terres pour rien. » Une réflexion qui a poussé Youena à s’orienter vers des solutions plus durables et plus respectueuses de l’environnement.

    Banderole lors de la manifestation “Un printemps bruyant”, 5 Avril 2025, Paris

    Le rythme influencé par la batucada en tête de cortège continue d’orchestrer la foule. Après une heure de marche, la place Breteuil se dessine. Youena, me confie « En France, on est encore trop attachés à nos cépages traditionnels alors qu’on sait que ce modèle est en train de s’essouffler. C’est un peu comme une résistance au changement, une peur de déroger à la tradition. » En effet, lorsque l’on sait que la France reste le premier exportateur mondial, en détenant 29% des parts du marché, on comprend pourquoi certains vignerons usent de pesticides pour répondre à cette demande internationale.

    Pourtant, le besoin de s’adapter au changement climatique est plus urgent que jamais. « Les cépages hybrides adaptés aux nouvelles conditions climatiques, sont l’une des réponses possibles. C’est un pari, mais c’est un pari que je suis prête à prendre. » confie-t-elle. 

    La réalité économique est un frein au profit d’une agriculture raisonnée

    Mais cette jeune viticultrice ne porte pas de jugement sur les agriculteurs utilisant encore des pesticides. « Souvent, ils sont pris dans un modèle où ils ne peuvent pas vraiment sortir, entre l’héritage familial et les pressions économiques », observe-t-elle. « Passer en bio, c’est possible, mais il ne suffit pas d’en avoir l’envie. Il faut être prêt à travailler beaucoup plus, et pour certains, cela peut signifier une baisse de rentabilité. » Comme par exemple dans la production laitière, où les marges sont déjà étroites, le passage à l’agriculture biologique semblerait être un choix totalement  déraisonnée.

    Une génération porteuse de projet innovant : la permaculture

    “La dépendance aux intrants et le rendement agricole, est la façon dont on a pensé l’agriculture”. Mais pour Youena, la permaculture est “clairement une solution pour demain ». Ces fermes autonomes qui ont leur propre écosystème : “que ce soit en termes d’énergie, d’eau ou de force de travail, elles permettent de se passer de nombreux intrants chimiques et autres pesticides. Et surtout, elles respectent les travailleurs. » En effet, la gestion du travail y est souvent collective, permettant des périodes de repos, là où l’agriculture intensive laisse peu de place au répit.

    En tout cas, parmi cette foule aux milles et unes couleurs, le message semble unanime :  sans une politique gouvernementale adéquate, l’avenir de notre reste planète en jeu.

    FNSEA* : Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles

    Gwennan LE MOIGNE

  • Vincent Berthelot : Le facteur écrivain

    60 ans, 15 000 km parcourus, 220 courriers distribués et d’innombrables rencontres. Voilà le bilan des trois voyages en clepscycle de Vincent Berthelot. Allongé sur son vélo, courriers en poche, casque à la tête, et bonne humeur, ce jeune retraité a sillonné la France, et même la Suisse, pour distribuer des courriers. Rencontre.

       Vincent à bords de son clepscycle 

    « En ce moment j’entame l’écriture de mon second livre. » “Le facteur humain” retracera son dernier voyage en clepscycle. Parallèlement, cet ancien directeur de S.E.G.P.A, s’investit dans la médiation culturelle, pour que tous puissent avoir accès à la culture.

    Arrivé à la retraite, ce grand-père de cinq petits-enfants a ressenti le besoin de voyager. « C’était une sorte de rite de passage entre mon travail et ma retraite.» Vincent a aussi voulu transmettre l’idée qu’il faut aller au bout de ses rêves. Tenter, oser pour ne pas regretter. 

    Comme il le dit si bien « Si on a des choses importantes à faire, il ne faut pas oublier de les faire, sinon à quoi ça sert de vivre ». Le choix était fait : partir voyager à vélo, mais il restait à savoir où ? Pour cela, Vincent a décidé de ne pas choisir où aller, parce que pour lui, « Le plus intéressant ce n’est pas l’endroit où je vais, mais plutôt le chemin que je fais. » confie t-il le regard plongé dans ses souvenirs. C’est à ce moment-là qu’est née l’idée du courrier à distribuer. Ce sont ces lettres qui traceraient son chemin et le transporteraient d’un endroit à un autre de la France. Il a donc franchi le pas pendant l’été 2021. Un premier voyage ponctué d’aventures, de rencontres et de messages. 

    Un messager porteur de messages

    À travers ses périples, Vincent a lui aussi voulu transmettre un message : « Prenez le temps d’observer votre rapport à l’espace et au temps. On croit être gagnant car tout va plus vite, en un clic un message est envoyé. Mais, au final on est perdant car on ne se rend plus compte de la valeur de celui-ci .» Aujourd’hui, les moyens de communication ont tendance à écraser le temps et l’espace. Mais la lettre a cette authenticité que le SMS ne pourra jamais égaler. Elle a une valeur symbolique, une histoire, un poids enrichi par le voyage de Vincent. Ces lettres, qui vont mettre deux ou trois mois à arriver, vont être chargées d’histoires, car elles auront, elles- mêmes une histoire. Vincent se remémore l’une d’elle avec nostalgie. Sa tasse de thé à la main, le regard tourné vers la fenêtre et ses milliers de kilomètres parcourus, il raconte :

    « A cette période, ma femme m’accompagnait sur les routes pour partager avec moi ses derniers jours de vacances. Nous avions cinq-six courriers à distribuer dans la région Caennaise ».

    À Hérouville-Saint-Clair, Vincent fait face à une maison vide. « Tant pis se dit-t-il, je repasserai demain ». Personne le jour suivant non plus. Vincent dépose donc le courrier dans la boîte aux lettres. « Le lendemain, j’accompagne à la gare Marie-Anne qui doit rentrer. Sur le chemin du retour, je raconte mon histoire à un couple de cyclistes .» Coïncidence, le couple est justement Hérouvillais. « C’est un courrier pour la famille Legall ».« Nous sommes la famille Legall » répondent-ils. Sur un voyage de 6000 kilomètres, il s’en est fallu de quelques mètres. Des rencontres construites par le bel hasard des correspondances.

    Mais pas de hasard dans le choix de voyager à vélo. « Il vaut mieux faire 1000 km en vélo que 1000 km en avion ». Ce militant qui a soutenu la liste “Redon Solidaire” aux municipales de 2020 est soucieux du respect de l’environnement. Un engagement écologique renforcé par les nombreux autocollants qui décorent sa voiture, comme celui du mouvement “Les coquelicots”* que j’ai pu apercevoir en repartant.

    *Un mouvement qui appel à la résistance pour l’interdiction de tous les pesticides. 

    Gwennan Le Moigne

  • L’impasse budgétaire des petits festivals de cinéma : un avenir menacé

    L’impasse budgétaire des petits festivals de cinéma : un avenir menacé

    Après plusieurs rebondissements dont une motion de censure déposée par La France Insoumise, le Parlement a finalement adopté jeudi 6 Février le budget de l’Etat pour 2025. La culture perd deux tiers de l’enveloppe qui lui était initialement accordée. Face à ce constat, de nombreux festivals de cinéma, dont le “7ème Lune”, redoute l’année à venir. 

    Ce petit festival de cinéma situé à Montreuil subit de plein fouet les nouvelles restrictions budgétaires. Alice Piton, co-organisatrice du festival depuis 4 ans, affiche sa colère face à des mesures culturelles et économiques injustes.  “7ème Lune” ne fonctionne que grâce à une équipe de bénévoles puisque chaque année, les demandes de subventions sont de plus en plus dures à décrocher. 

    Des politiques culturelles et économique inéquitables

    En effet, l’attribution des subventions publiques, tant au niveau national que régional, favorise largement les grands festivals de catégorie 1, comme Cannes, Deauville ou encore Annecy.  Ils reçoivent des financements considérables de la part du CNC ou des collectivités locales. Pendant ce temps, les festivals de plus petite envergure peinent à obtenir des aides. “7ème Lune” a contacté le CNC pour savoir comment intégrer cette fameuse catégorie 1, mais cette liste n’a pas bougé depuis 35 ans. D’après Alice, le CNC l’a dit lui même : “Si on commence à tirer sur ce fil là, on découd tout le tapis”.  Certains gros festivals ne font même pas partie de cette liste, alors que d’autres, désormais peu connus, y sont toujours et profitent  ainsi de fonds d’aides énormes. Le CNC continue donc à mettre la poussière sous le tapis pour ne pas avoir à se poser la question des festivals qui méritent ou non d’être en catégorie 1. 

    Des subventions refusées pour “7ème Lune”

    Le festival “7ème Lune” se déroule au sein du cinéma Le Méliès, à Montreuil. L’association échange régulièrement  avec la DRAC¹, afin d’obtenir des fonds, mais cette dernière se cache derrière l’argumentaire  d’une offre trop grande de festivals en Île de France pour ne pas leur octroyer de subventions. Mais pour Alice “ Si il y a autant d’offres culturelles c’est aussi parce qu’il y a un public qui l’attend. Coupez les subventions revient à les couper de cette ouverture culturelle”. De son côté, la région Ile-de-France refuse de subventionner le festival, puisque la DRAC ne le fait pas. En bref, c’est un véritable “cercle vicieux”.

    Au niveau des subventions départementales “Est ensemble” considère qu’ils n’ont pas à financer le festival puisque le font “déjà” à travers Le Méliès. En effet, c’est eux qui paient les projectionnistes de ce cinéma, également présent lors du festival. Pendant, longtemps la municipalité a dit la même chose. Cette année, ils ont tout de même accepté de leur donner une toute petite enveloppe dont la somme est dérisoire. 

    Au niveau des subventions départementales “Est ensemble” considère qu’ils n’ont pas à financer le festival puisque le font “déjà” à travers Le Méliès. En effet, c’est eux qui paient les projectionnistes de ce cinéma, également présent lors du festival. Pendant, longtemps la municipalité a dit la même chose. Cette année, ils ont tout de même accepté de leur donner une toute petite enveloppe dont la somme est dérisoire. 

    Le recours aux services civiques : une solution contrainte

    Faute de moyens pour salarier des professionnels de la culture, de nombreux festivals se tournent vers les services civiques pour assurer leur fonctionnement. Mais c’est sans compter sur le gouvernement qui a annoncé qu’à partir du 1er Février 2025, tous les contrats en services civiques seront suspendus. La précarité de ces festivals est dès lors renforcée, notamment en région Pays de la Loire. Alice me confie alors, que ces collègues du festival “Premier Plan” ou encore du “F3C” se posent la question d’embaucher des stagiaires de 6 mois pour tenir le coup : “C’est vraiment devenu une question d’aujourd’hui.” Pour rappel, Christelle Morancais, présidente de la région Pays de la Loire a réduit de 73% les moyens alloués à la culture dans sa région.  Les stages deviennent alors un palliatif à un manque de financement chronique, bien que les organisateurs aimeraient embaucher et payer correctement leurs employés.

    Travailler dans les festivals de cinéma c’est faire face à la précarité de l’emploi

    Alice et toute l’équipe de “7ème Lune” travaillent bénévolement pour ce festival. Il n’y a aucun employé. Mais si elle peut se permettre de consacrer autant de temps à ce projet c’est parce qu’elle est, à côté, intermittente du spectacle. Son statut lui permet donc d’offrir son temps à une cause qui lui tient à cœur. Néanmoins, pour les salariés employés en festival de cinéma les contrats frôlent avec la précarité : auto-entrepreneur, CCDU… Ces contrats ne permettent pas de toucher le chômage entre deux périodes de travail. Lorsque l’on travaille pour un festival de cinéma, cela ne dure pas toute l’année. On peut être amené à travailler 1 à 6 mois, ou quelquefois 2 à 3 semaines. Bien que la nature de leur emploi soit intermittente, ils ne bénéficient pas pour autant du régime intermittent du spectacle.  

    Lutter avec le collectif : “Sous les écrans la dèche” 

    Pour lutter contre cette inégalité dans le monde du cinéma, Alice a donc rejoint le collectif  “Sous les écrans la dèche” en Septembre dernier. Leur revendication est simple : que les travailleurs en festivals de cinéma soient reliés au régime intermittent. Après une opération coup de poing lors du dernier festival de Cannes, le collectif a aujourd’hui presque gagné la bataille. En effet, le ministère de la Culture et du Travail leur ont proposé un accompagnement afin de structurer une nouvelle convention collective dans les mois à venir. Cette convention pourrait permettre, à terme, d’intégrer à l’intermittence « certains métiers de techniciens des festivals de cinéma ». À priori, elle devrait entrer en vigueur le 1er Avril prochain. 

    1- DRAC : Direction Régionale des Affaires Culturelles, c’est le relais du ministère de la culture à l’échelle régionale.

    Gwennan LE MOIGNE

  • Quand le musée Pompidou se déplace en campagne

    Quand le musée Pompidou se déplace en campagne

    À l’heure où le centre Pompidou annonce fermer ses portes d’ici fin 2025, le Mumo continuera d’exposer quelques-unes des ses œuvres. Ce Musée-mobile sillonne les routes de France en proposant un accès à l’art contemporain en zone rurale.

    En France, il existe de grandes disparités vis-à-vis de l’offre culturelle auxquels ont accès les jeunes. Pour pallier ces inégalités, des dispositifs existent comme le “MuMo”, lancé en 2011, par Ingrid Brochard. Ce bus répond à un constat : les enfants des zones rurales ont 3 fois moins de chances de participer à des sorties culturelles organisées par leurs écoles que ceux vivant dans des grandes villes. Le MuMo se rend ainsi uniquement dans des communes de moins de 3000 habitants.

    Un musée en pleine campagne 

    Gwladys, médiatrice culturelle au sein du musée-mobile en 2024, confie l’enthousiasme des enfants arrivant pour la première fois dans cette galerie d’art itinérante : “Les enfants disaient que ça ressemblait à un avion ou à une fusée, très intrigués de voir ce qu’il s’y cachait à l’intérieur”. En effet, un enfant sur trois qui visite le MuMo n’est jamais allé au musée auparavant. Un résultat qui s’explique par un manque d’infrastructures culturelles en campagne : 70% des musées ne sont présents que dans des grandes villes, selon l’Observatoire des inégalités en 2024. 

    Faire découvrir l’art aux enfants campagnards 

    En plus d’une visite guidée, les élèves se voient offrir un cours d’arts manuels. Ces ateliers plastiques, toujours en lien avec une œuvre présente dans la galerie, permettent aux écoliers de découvrir différentes techniques d’expression : papier mâché, pastel, collage. Une bulle artistique créant une effervescence unique à ce lieu :  “Le fait que les tableaux sont vraiment accrochés comme dans un musée, la dimension du camion contribue à  l’émerveillement des écoliers lors de cette expérience.”

    Lutter contre la fracture de mobilité 

    Au-delà d’effacer une barrière culturelle, le MuMo permet aussi de rompre avec l’isolement géographique. Gwladys, qui avait fait une tournée de 4 mois dans le Nord de la France souligne : “Beaucoup d’écoliers n’étaient jamais allés à Lille, qui est la grande ville à côté de chez eux et où ils pourraient y avoir des musées”. Selon le rapport de la cour des comptes de 2025, 33% des écoles communales sont à plus de 15 kilomètres du premier musée. Ce bus ambulant apparaît ainsi comme une aubaine pour ces écoles souhaitant faire découvrir à ses élèves l’art sous toutes ses formes. 

    Un lieu de socialisation et d’animation 

    Le MuMo stationne une semaine dans un village. Ce spectacle devient un lieu d’animation pour écoliers mais reste ouvert à tous : centre de loisirs, maison de retraite ou simples citoyens. En plus de proposer sa galerie on peut également s’y retrouver pour des concerts ou projections cinématographiques. 

    Une initiative régionale 

    Le MuMo collabore également avec les FRAC*, notamment du Nord et de l’Est de la France. L’idée maintenant serait d’étendre ce dispositif à d’autres régions du territoire français. Pour Gwladys ce serait même “très chouette de développer ça aussi en outre-mer”.

    *Fonds Régional d’Art Contemporain

    Gwennan LE MOIGNE